La terrasse idéale

Attention : à M…, il y a du gaz !

Pas suffisamment pour préparer le repas, mais plus qu’assez pour s’aérer.

Au bivouac M…, le spectacle est panoramique. Face à  nous. Au-dessus de nos têtes. Sous nos yeux. A nos pieds. Sous nos pieds. Un phénoménal élargissement de la conscience !

D’abord, en arrivant, cette vision singulière, petite construction jaune géométrique déposée au-dessus d’une moraine, au bout d’un éperon rocheux, à l’abri du glacier, des chutes de neige et de pierres.

A l’arrivée, à peine un coup d’oeil jeté à l’intérieur spartiate, fonctionnel, peu amène – quelques couchettes, des couvertures, une table, les restes des passages précédents – nous nous installons sur la belle terrasse. Sourire aux lèvres, vent frais et lumière pure, il ne manque rien.

Quoique… Mais où est l’apéro ?

La bouteille de vin promise en plaisantant la veille a été oubliée sciemment au chalet, le kilo en trop dans le sac nous a rebutés. Mais pas le saucisson.

Les saucissons, plutôt.

Achetés quelques jours auparavant au Refuge Payot, version chamoniarde de la Grande épicerie, boutique touristique et néanmoins excellente, des produits de la montagne revisités, sublimés, sélectionné avec goût et soin – et facturé à l’avenant, bien sûr !

Dans la vallée, l’opulence était encore une évidence, l’abondance ne crée aucune exaltation, on est en bas un consommateur usuel, plein de tout, frigo débordant, poches rebondies, et ventre aussi. Mais à M…, l’histoire n’est plus la même. Le bivouac est modeste, nos sacs, réduits à l’essentiel, et les deux saucissons, déjà entamés, que je sors sont autant de superflus accueillis avec enthousiasme.

L’apéro à la terrasse, version haute montagne.

Une belle pierre plate pour découper quelques tranches et les présenter, à même le sol, au milieu de nous tous, les yeux en l’air, le sourire aux lèvres, et la main qui furète à la recherche de la tranche suivante – partage de la beauté, et de l’appétit !

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Les pieds posés sur 1000m de vide, les yeux dans le bleu infini, quelques choucas qui sifflent et voltigent. Nous respirons, ensemble, posés, heureux. Quasi-étrangers, réunis par la course de la veille, la montée au refuge, la perspective de la course du lendemain, par le plaisir de créer des liens éphémères et intenses, notre petite aventure.

Unis, aussi, simplement, par ce partage apéritif qui trivialise les ambitions, et nous soude.

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